Le Parmesan, La Madone au long cou, 1535-1540

La Vierge à l'Enfant et des anges

 

 

   Il faut savoir que la Madone au long cou n'est pas le vrai titre donné à ce tableau. Parmigianino l'avait nommé LA VIERGE A L'ENFANT ET DES ANGES. Mais la Madone au long cou est le titre qui est resté puisque c'est ce détail du tableau qui lui a donné sa célébrité.

Ce tableau fut commandé par Elena Baiardi (Tagliaferri) en 1534 pour la chapelle Santa Maria del Servi à Parme, ville d'origine du peintre qui lui a donné son surnom. Cette huile sur bois est exécutée entre 1535 et 1540 c'est-à-dire à la fin de la vie du Parmesan. Elle mesure 216 x 132 cm, reste inachevée et est aujourd'hui conservée dans la galerie des Offices à Florence.

Parmigianino s'appelait en réalité Francesco Mazzola. Né à Parme, il devint très jeune un peintre prestigieux notamment grâce à son Autoportrait dans un miroir convexe, en 1524, qu'il offrit au pape pour se faire connaître. Elève du Corrège, il s'inscrit dans la lignée des grands maniéristes italiens.es à Florence. 

Le Parmesan, La Madone au long cou, 1534-40, les Offices, Florence

Coup d'oeil rapide sur l'oeuvre

La femme amphore ou femme idéale:

Madone au long cou, détail: Ange à l'amphore

La Vierge Marie est ici le centre de la composition. Elle occupe preque tout l'espace pictural, écrasant de sa présence les anges qui tentent de faire, sans grand succès, leur place sur le côté. Vêtue d'un manteau bleu qui est sa couleur traditionnelle, elle porte aussi une robe à l'antique aux reflets moirés qui lui moule sensuellement le corps, laissant deviner les formes parfaites de sa silhouette. Le Parmesan l'érige vraiment comme la femme idéale et parfaite, et pour cela, elle doit répondre à des critères précis: un visage aux lignes pures, ovale, les yeux en amandes et des sourcils fins, les cheveux frisés, longs et blonds, un front large, une petite bouche, la peau pâle; mais aussi un corps qui répond à l'esthétique maniériste, à savoir des membres allongés, les doigts très effilés et une silhouette en forme d'amphore. La forme d'amphore vient de la comparaison du Cantique des Cantiques dans lequel la Bien-Aimée est comparée à un vase de baume qui est le récipient de la Grâce. Le vase était depuis les Classiques une forme parmi les plus parfaites selon le principe de l'eurythmie que Parmesan reprend pour la Vierge. C'est aussi le motif iconographique le plus récurrent qui accompagne la Vierge (surtout dans les Annonciations) pour mettre en avant sa virginité intacte. La silhouette de la Madone est renforcée dans sa forme par la présence de l'amphore que tient l'ange sur sa droite. On remarquera que le vase est gravé d'une croix: la Vierge est réceptacle immaculé du Christ Sauveur mais aussi de la Grâce divine qui se répand sur tous les hommes.

On notera son sourire modeste et timide, à l'image de son humilité et de sa profonde méditation du mystère de l'Incarnation et de la Rédemption.Il y a en effet une allusion à la Rédemption, qui s'opère par la mort du Fils de Dieu, dans l'attitude de l'Enfant Jésus sur ses genoux. Il est démesurément allongé, trop grand pour ses formes pouponnes, mais surtout il est blanc comme un mort. Ses yeux sont fermés, il semble inerte. C'est une représentation prémonitoire de la Pietà, lorsque Marie recueille son fils crucifié dans ses bras.

             Madone au long cou, détail: la Vierge

         

La femme à la colonne ou Marie, Mère de l'Eglise

Madone de saint Zaccharie, vers 1530, Offices

Ce long cou qui a fait tout le charme et la célébrité de cette peinture nous intrigue. Il fait partie intégrante de la ligne serpentine qui court tout le long de ce corps idéal mais il est aussi lié à un élément placé juste derrière la Vierge: la colonne. Celle-ci devrait soutenir l'entablement d'un temple qu'on voit à peine esquissé en arrière-plan mais qui peut faire penser à la Maison Carrée. Mais étrangement, cette colonne est devant le temple, bien que dans la continuité perspective de la colonnade de celui-ci. L'extrémité de cette colonne étrange, indépendante, arrive au niveau de la tête de la Vierge; d'une façon formelle, on peut dire qu'elle lui est associée. Et c'est l'étirement excessif de ce cou qui appuie cette association.

On retrouve aussi cette colonne indépendante de tout édifice à l'arrière-plan de la Madone de saint Zaccharie, conservée aux Offices.

La Vierge Marie est la colonne qui soutient l'Eglise tout comme une cariatide. Vitruve comparait les proportions de la colonne à celle d'un être humain, ce qui aurait pu inspirer le peintre pour ce parallèle, accentuant l'idée de perfection du corps de la Vierge.

L'expression même de sa Maniera

Cette oeuvre de fin de vie du peintre est restée inachevée et lui a causé beaucoup de problèmes. Le Parmesan recherchait une composition des plus complexes, à en voir ses dessins préparatoire. Un saint François d'Assise était prévu sur la droite, à genoux au pied de la Vierge, mais il a été finalement supprimé. De même saint Jérôme devait apparaître au premier-plan. Mais sur la composition finale, ce n'est plus qu'un minuscule personnage, au pied de la colonne, vêtu de haillons, et tirant un long phylactère. Saint Jérôme est le Père de l'Eglise qui a traduit la Vulgate du grec au latin: c'est donc une figure importante dans la transmission de la Tradition à travers les siècles. Si on regarde attentivement, il tourne la tête vers la droite, comme s'adressant à une foule, tandis que son bras étirant le parchemin se tend dans la direction opposée, dirons-nous plastiquement vers la Vierge.

Ainsi le style du Parmesan est un style purement maniériste dans le sens où il recherche l'incongruité, la rupture des formats et le symbolisme presqu'hermétique.

 

La Madone au long cou est une peinture qui doit se méditer, se ruminer pour commencer à en saisir le sens et la profondeur.

Etude pour la Madone au long cou

Madone au long cou, détail: saint Jérôme

Bibliographie

CROPPER E., « On Beautiful Women, Parmigianino, Petrarchismo, and the Vernacular Style », The Art Bulletin, Vol. 58, n° 3, 1976, pp.374-394

Date de dernière mise à jour : 08/01/2016

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